décembre 5, 2025

LEÇON INAUGURALE DU PRESIDENT NATIONAL DE LA CROIX-ROUGE CENTRAFRICAINE LORS DU DIALOGUE HUMANITAIRE

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THEME : DU CÔTE DE L’HUMANITE

Je suis honoré de vous accueillir en ce lieu d’humanité à l’occasion du dialogue humanitaire marquant les activités de la Journée mondiale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge où nous célébrons l’action humanitaire locale et mondiale.

Comme vous le savez, le 08 Mai a été institué pour honorer l’héritage d’Henry Dunant, le volontaire pionnier qui a fondé le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge il y a plus de 160 ans. Pour nous en Centrafrique, c’est une occasion de rendre hommage à nos 18 000 volontaires et nos salariés, toujours prêts à se mobiliser aux côtés des personnes ayant besoin de protection, d’assistance, de soins de santé, d’aide sociale et de solidarité, dans les situations de catastrophes, de crises et d’urgence.

À l’approche du 60ème anniversaire des Principes fondamentaux du Mouvement, en octobre 2025, le thème choisi pour cette journée de dialogue humanitaire — « Du côté de lhumanité » —  et notre communication de ce matin consiste à présenter l’humanité en tant que fondement de toute action humanitaire, qui rend les autres principes possibles.

Depuis toujours, la définition de l’humanité passe par la délimitation de la frontière entre « l’humain » et « l’inhumain » (ou encore l’« inapte à être humain », l’« indigne d’être compté parmi les humains », celui qui a « besoin d’être humanisé »). Les enjeux de pouvoir au cœur de la notion d’humanité, parfois masqués par la glose philosophique de l’humanisme, se constituent autour de cette frontière fréquemment modifiée par les impératifs politiques de chaque époque.

En effet, le 24 juin 1859, Henry Dunant, futur fondateur du Mouvement Croix-Rouge et Croissant-Rouge, reçoit le choc de sa vie. Il vient d’arriver à Solférino, dans le nord de l’Italie, où les armées française et autrichienne viennent de livrer la bataille la plus sanglante que le sol européen a connue depuis Waterloo. Devant lui, étalés dans les fossés, les plaines et les vallons, près de 40 000 soldats morts ou blessés sont abandonnés à leur sort.

Henry Dunant est révolté par ce qu’il voit, et ce qu’il s’apprête alors à faire va profondément influencer l’action humanitaire jusqu’à nos jours. 160 ans après la création du Mouvement, la force et la pertinence de ses idées se sont imposées, donnant à des millions de femmes et d’hommes sur cette planète les moyens de prévenir et de diminuer la souffrance humaine.

A Solférino, face à l’horreur du champ de bataille, cet entrepreneur genevois, dont les motivations n’étaient au départ que mercantiles, organise immédiatement les secours avec l’aide de la population civile. Il panse les plaies, donne de l’eau aux soldats assoiffés, paye de sa poche des draps et de la nourriture, recueille les dernières paroles des mourants pour les transmettre à leurs familles. Il demande aux militaires français victorieux de libérer les rares chirurgiens autrichiens faits prisonniers pour qu’ils soignent les blessés de tous les bords… Cet élan humanitaire surprend : les armées de l’époque avaient plus de vétérinaires dans leurs rangs que de chirurgiens. Un cheval avait plus de valeur qu’un soldat ! Et les services sanitaires des armées étaient une cible militaire comme une autre…

De retour à Genève où il habite, Henry Dunant publie en 1862 Un souvenir de Solférino, dans lequel il expose deux idées majeures :

  • Des volontaires doivent être formés en temps de paix au sein de comités de secours afin d’intervenir pour soigner les blessés en temps de guerre. Ces comités vont rapidement former les premières Sociétés nationales de Croix-Rouge.
  • Un accord international doit reconnaitre ces comités et leur assurer une protection sur le champ de bataille. La Première Convention de Genève signée en 1864 concrétise ces idées et constitue la base du droit international humanitaire moderne.

160 ans plus tard, le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge rassemble 192 Sociétés nationales, unies par le désir d’alléger la souffrance humaine et de venir en aide à toutes les personnes les plus vulnérables. Notre neutralité nous aide à traverser les lignes de front. Les opinions politiques, les origines sociales et géographiques, le genre, les croyances ne sont pas des critères d’attribution de l’aide : seuls les besoins comptent. Notre action suit des principes fondamentaux connus de tous.

Voilà pourquoi, dans les situations d’urgence et de crises,  l’héritage de Henry Dunant, l’emblème de la Croix-Rouge Centrafricaine, reconnue par la Loi N° 003/2009,  que nous portons, reste un symbole puissant de protection pour les volontaires et les personnes en détresse. Le respect d’une action humanitaire neutre et impartiale est primordial et permet à nos volontaires d’accéder aux communautés les plus reculées et les plus menacées en cas de crise.

Le respect du droit international humanitaire et ses Principes fondamentaux ne préserve pas seulement l’humanité des personnes touchées par les crises, il préserve notre propre humanité – aujourd’hui et demain. Respecter les Principes fondamentaux et le droit international humanitaire s’inscrit donc  parmi les valeurs fondamentales du Mouvement et est essentiel pour assurer le bien-être et la dignité de toutes les personnes en détresse.

Les volontaires et les employés de la Croix-Rouge Centrafricaine sont souvent les premiers à intervenir en cas de crise ou de catastrophe. Dans les coins les plus reculés du territoire centrafricain et dans les contextes les plus difficiles, nos volontaires et nos employés sont des piliers de l’espoir. Chaque jour, ils choisissent de rester du côté de l’humanité, en apportant du réconfort aux personnes qui en ont désespérément besoin –en y payant parfois le prix le plus élevé.

En ce jour du dialogue humanitaire marquant les activités de la Journée mondiale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, nous rendons hommage à leur service rendu, à leur bravoure, à leur sens de l’humanité et à leur sacrifice dans le respect des Principes fondamentaux. En ce jour, nous nous souvenons avec émotion de nos collègues décédés dans le cadre de notre mission humanitaire et nous présentons nos plus sincères condoléances à leurs proches. Nous exprimons également notre immense gratitude à tous les volontaires et employés de la Croix-Rouge Centrafricaine pour leur dévouement sans faille.

Au-delà des frontières et de la diversité de nos origines, l’unité de notre Mouvement réside dans notre engagement commun en faveur de l’action humanitaire. Notre travail est ancré dans les principes de neutralité, d’impartialité et d’indépendance. Même dans les moments les plus sombres, chaque acte de bonté est une lueur d’espoir qui promet des lendemains meilleurs.

Les différentes communications et témoignages qui vont se succéder durant cette journée de dialogue humanitaire nous permettrons d’approfondir cette question en deux phases : d’abord le premier panel qui va jeter les « Bases théoriques et pratiques de l’action humanitaire fondée sur les Principes fondamentaux » et, enfin le second panel qui nous fera remonter « les voix du terrain, y compris celles des communautés, d’employés et des vaillants volontaires » qui n’ont ménagé aucun effort pour toujours agir « du côté de l’humanité ».

Continuons à travailler ensemble pour toujours rester « Du côté de l’humanité »

Je vous remercie.

Le Président de la Croix-Rouge Centrafricaine

Pasteur Supérieur Antoine MBAO BOGO

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